Alexis Roussel on Nostr: L’existence numérique des individus « Il y a un autre monde mais il est dans ...
L’existence numérique des individus
« Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci.», Paul Eluard
Est-il aujourd’hui possible de ne pas avoir d’existence numérique ? Non. Même une personne qui n’utilise aucun appareil connecté laissera se développer inconsciemment son empreinte numérique au quotidien. Un individu génère des données avant même sa naissance. Suite à une échographie, il suffit que les parents en aient diffusé la photo sur une plateforme qui recueille les données personnelles pour que cette existence numérique devienne tangible. Son enregistrement à l’état civil implique la création de données numériques telles que son prénom, nom et adresse postale, date de naissance, filiation. Même si seul l’État dispose des données d’une personne, tous les employés et les intermédiaires ayant accès aux données de l’État pourront donc potentiellement les consulter. Il en va de même pour des publicitaires qui achètent des données à l’État ou les partis politiques qui disposent de listes pour contacter les citoyens lors d’élections ou de votations. Une personne qui n’utilise aucune technologie numérique sera malgré elle au contact de ces technologies qui créeront des données avec ou sans son consentement. Dès lors qu’un individu interagit avec une entreprise même sommairement, il laisse une empreinte numérique quelque part. Les innombrables fuites de données qui rythment l’actualité prouvent aux plus sceptiques que les données les plus confidentielles peuvent se retrouver en tout temps sur la place publique. Être hors du système n’est pas possible, puisque le système est partout. À moins de vivre seul dans une grotte depuis sa naissance, il est impossible de ne pas créer des données à son sujet et de les voir détenues par des tiers, que cela soit l’État ou des privés. Le constat est sévère : les individus n’ont pas les moyens pour connaitre l’étendue des données qui les concernent.
Ne pas être sur un réseau social n’est pas une garantie de ne pas en faire partie non plus. Les réseaux sociaux sont capables de créer des shadow profiles, des profils qui ne sont pas publics mais permettent à la plateforme de connaitre et comprendre les interactions sociales de ses utilisateurs y compris avec des gens qui n’y sont pas inscrits. Un réseau social peut connaitre la réalité de notre existence simplement parce qu’une de nos relations dispose de données nous concernant. En partageant son carnet d’adresses, une personne de notre entourage transmet au réseau social tous ses contacts, y compris le nôtre. Sans le savoir, elle a un impact sur l’utilisation de données autres que les siennes. Nos données circulent malgré nous. Que nous en ayons conscience ou non, beaucoup d’informations sur notre vie sont disponibles et exploitables par des tiers.
Si tout ce qui précède devrait normalement suffire à démontrer que nous avons bel et bien toutes et tous une existence numérique, nous pouvons encore aborder le cycle de vie d’une donnée, de sa création à son utilisation.
Les données personnelles sont celles qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable. Elles peuvent être objectives ou subjectives. Le groupe sanguin, la taille, le poids, ou encore la couleur de cheveux, sont des données objectives et mesurables laissant peu de place à l’interprétation. Elle peuvent pourtant conduire à une discrimination sociale, comme la couleur de peau, l’ethnie ou la maladie. Les données subjectives quant à elles sont propres à notre personne. Elles peuvent comprendre nos tendances politiques, notre orientation sexuelle, nos croyances, nos goûts. Les données de connexions doivent également être considérées comme des données personnelles objectives qui peuvent être analysées afin d’être rattachées à un individu et de générer des données subjectives liées à son comportement.
Il existe trois façons de produire des données personnelles. Premièrement, nous créons et partageons volontairement des données, des photos, des vidéos ou de simples commentaires. Il s’agit en réalité d’une infime partie de l’ensemble des données qui nous concernent. Deuxièmement, nous produisons des données en interagissant avec notre environnement. Une recherche sur internet, l’utilisation d’un appareil connecté, ou même notre passage devant une caméra de surveillance génèrent une énorme quantité de données particulièrement détaillées. Troisièmement, des machines analysent et interprètent notre personne à partir des données précédemment évoquées et génèrent de nouvelles données qui nous sont inconnues8. Nous pouvons également attribuer une valeur différente à ces données en les revendiquant cryptographiquement. Apposer une signature électronique sur une donnée permet de lier cette donnée profondément à notre personne. Cette pratique, aujourd’hui marginale, va prendre une importance considérable dans notre société.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
« Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci.», Paul Eluard
Est-il aujourd’hui possible de ne pas avoir d’existence numérique ? Non. Même une personne qui n’utilise aucun appareil connecté laissera se développer inconsciemment son empreinte numérique au quotidien. Un individu génère des données avant même sa naissance. Suite à une échographie, il suffit que les parents en aient diffusé la photo sur une plateforme qui recueille les données personnelles pour que cette existence numérique devienne tangible. Son enregistrement à l’état civil implique la création de données numériques telles que son prénom, nom et adresse postale, date de naissance, filiation. Même si seul l’État dispose des données d’une personne, tous les employés et les intermédiaires ayant accès aux données de l’État pourront donc potentiellement les consulter. Il en va de même pour des publicitaires qui achètent des données à l’État ou les partis politiques qui disposent de listes pour contacter les citoyens lors d’élections ou de votations. Une personne qui n’utilise aucune technologie numérique sera malgré elle au contact de ces technologies qui créeront des données avec ou sans son consentement. Dès lors qu’un individu interagit avec une entreprise même sommairement, il laisse une empreinte numérique quelque part. Les innombrables fuites de données qui rythment l’actualité prouvent aux plus sceptiques que les données les plus confidentielles peuvent se retrouver en tout temps sur la place publique. Être hors du système n’est pas possible, puisque le système est partout. À moins de vivre seul dans une grotte depuis sa naissance, il est impossible de ne pas créer des données à son sujet et de les voir détenues par des tiers, que cela soit l’État ou des privés. Le constat est sévère : les individus n’ont pas les moyens pour connaitre l’étendue des données qui les concernent.
Ne pas être sur un réseau social n’est pas une garantie de ne pas en faire partie non plus. Les réseaux sociaux sont capables de créer des shadow profiles, des profils qui ne sont pas publics mais permettent à la plateforme de connaitre et comprendre les interactions sociales de ses utilisateurs y compris avec des gens qui n’y sont pas inscrits. Un réseau social peut connaitre la réalité de notre existence simplement parce qu’une de nos relations dispose de données nous concernant. En partageant son carnet d’adresses, une personne de notre entourage transmet au réseau social tous ses contacts, y compris le nôtre. Sans le savoir, elle a un impact sur l’utilisation de données autres que les siennes. Nos données circulent malgré nous. Que nous en ayons conscience ou non, beaucoup d’informations sur notre vie sont disponibles et exploitables par des tiers.
Si tout ce qui précède devrait normalement suffire à démontrer que nous avons bel et bien toutes et tous une existence numérique, nous pouvons encore aborder le cycle de vie d’une donnée, de sa création à son utilisation.
Les données personnelles sont celles qui se rapportent à une personne identifiée ou identifiable. Elles peuvent être objectives ou subjectives. Le groupe sanguin, la taille, le poids, ou encore la couleur de cheveux, sont des données objectives et mesurables laissant peu de place à l’interprétation. Elle peuvent pourtant conduire à une discrimination sociale, comme la couleur de peau, l’ethnie ou la maladie. Les données subjectives quant à elles sont propres à notre personne. Elles peuvent comprendre nos tendances politiques, notre orientation sexuelle, nos croyances, nos goûts. Les données de connexions doivent également être considérées comme des données personnelles objectives qui peuvent être analysées afin d’être rattachées à un individu et de générer des données subjectives liées à son comportement.
Il existe trois façons de produire des données personnelles. Premièrement, nous créons et partageons volontairement des données, des photos, des vidéos ou de simples commentaires. Il s’agit en réalité d’une infime partie de l’ensemble des données qui nous concernent. Deuxièmement, nous produisons des données en interagissant avec notre environnement. Une recherche sur internet, l’utilisation d’un appareil connecté, ou même notre passage devant une caméra de surveillance génèrent une énorme quantité de données particulièrement détaillées. Troisièmement, des machines analysent et interprètent notre personne à partir des données précédemment évoquées et génèrent de nouvelles données qui nous sont inconnues8. Nous pouvons également attribuer une valeur différente à ces données en les revendiquant cryptographiquement. Apposer une signature électronique sur une donnée permet de lier cette donnée profondément à notre personne. Cette pratique, aujourd’hui marginale, va prendre une importance considérable dans notre société.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey