npub1z8…v3mll on Nostr: je retrouve cette histoire (vraie) dans les posts que j'archive en quittant facebook. ...
je retrouve cette histoire (vraie) dans les posts que j'archive en quittant facebook. Elle date de l'an dernier.
Depuis, L. a eu son bac, avec mention, je ne le reverrai jamais.
"Toi, j’ai su tout de suite qu’il faudrait t’apprivoiser.
Que ça prendrait du temps.
Et que peut-être même ça n’arriverait jamais, que le mieux que je pouvais espérer, c’est que tu ne te méfies pas de moi.
J’ai travaillé là-dessus, sur ces bases. Quand je n’entendais pas ton « présent » étouffé au fond de la classe, je ne disais pas « Tu peux parler plus fort ? » mais « Je suis désolée L., je suis vieille et sourde et je ne t’ai pas entendu ».
Quand tu arrivais en classe et que je voyais ta mine fermée à clé, je te disais « bonjour » soigneusement, tendrement, sans sourire, de loin, pour ne pas t’effaroucher, ne pas t’imposer un contact, une communication, un échange, dont tout ton corps, tous les muscles de ton visage, disaient que tu n’en voulais pas.
Quand tu me posais une question, rare, si rare, je répondais précisément, sans fioritures, sans addenda rigolo comme je le fais avec tes camarades. Tu hochais la tête, et reprenais ton air lointain en notant ma réponse.
Parfois, tout de même quand tu me renvoyais un œil vitreux, je te demandais si tu avais compris ce que je venais de dire, tu me répondais « oui » et je m’en contentais. Tes copies me prouvaient que c’était vrai.
Quand une fois, il est arrivé que ce ne soit pas le cas, je t’ai fait venir à moi en te montrant l’endroit où tu t’étais trompé. Tu m’as demandé une précision. J’ai répondu froidement, puis tu es revenu avec la copie corrigée convenablement. Je t’ai souri ce jour-là en te félicitant. De loin, comme toujours, pour que tu puisses t’enfuir.
Je voyais que tu m’observais avec tes camarades. La chaleur, la vivacité de nos échanges et de plus en plus j’ai vu ton visage s’éclairer.
Je me suis dit « la lumière n’est pas loin ».
Et puis lundi dernier, tu es venu à la fin du cours, tu m’as demandé quelque chose à propos de la poésie qui devait te travailler depuis longtemps puisque cette séquence date de septembre. J’ai répondu comme d’habitude. Puis le soir, je t’ai envoyé quelques beaux poèmes qui illustraient ma réponse. Avant-hier, tu as levé la main en classe. Hier, tu as ri à une de mes blagues de prof-pas-drôles. Et en partant, tu m’as dit « J’aime beaucoup que les éléphants soient gris mais que tout ce qui est gris ne soit pas un éléphant" et tu es parti sur « à vendredi » poli.
Tu es là, L., moineau posé sur ma main, prêt à l’envol si je fais un geste trop brusque.
Je te promets que je ne le ferai pas."
Depuis, L. a eu son bac, avec mention, je ne le reverrai jamais.
"Toi, j’ai su tout de suite qu’il faudrait t’apprivoiser.
Que ça prendrait du temps.
Et que peut-être même ça n’arriverait jamais, que le mieux que je pouvais espérer, c’est que tu ne te méfies pas de moi.
J’ai travaillé là-dessus, sur ces bases. Quand je n’entendais pas ton « présent » étouffé au fond de la classe, je ne disais pas « Tu peux parler plus fort ? » mais « Je suis désolée L., je suis vieille et sourde et je ne t’ai pas entendu ».
Quand tu arrivais en classe et que je voyais ta mine fermée à clé, je te disais « bonjour » soigneusement, tendrement, sans sourire, de loin, pour ne pas t’effaroucher, ne pas t’imposer un contact, une communication, un échange, dont tout ton corps, tous les muscles de ton visage, disaient que tu n’en voulais pas.
Quand tu me posais une question, rare, si rare, je répondais précisément, sans fioritures, sans addenda rigolo comme je le fais avec tes camarades. Tu hochais la tête, et reprenais ton air lointain en notant ma réponse.
Parfois, tout de même quand tu me renvoyais un œil vitreux, je te demandais si tu avais compris ce que je venais de dire, tu me répondais « oui » et je m’en contentais. Tes copies me prouvaient que c’était vrai.
Quand une fois, il est arrivé que ce ne soit pas le cas, je t’ai fait venir à moi en te montrant l’endroit où tu t’étais trompé. Tu m’as demandé une précision. J’ai répondu froidement, puis tu es revenu avec la copie corrigée convenablement. Je t’ai souri ce jour-là en te félicitant. De loin, comme toujours, pour que tu puisses t’enfuir.
Je voyais que tu m’observais avec tes camarades. La chaleur, la vivacité de nos échanges et de plus en plus j’ai vu ton visage s’éclairer.
Je me suis dit « la lumière n’est pas loin ».
Et puis lundi dernier, tu es venu à la fin du cours, tu m’as demandé quelque chose à propos de la poésie qui devait te travailler depuis longtemps puisque cette séquence date de septembre. J’ai répondu comme d’habitude. Puis le soir, je t’ai envoyé quelques beaux poèmes qui illustraient ma réponse. Avant-hier, tu as levé la main en classe. Hier, tu as ri à une de mes blagues de prof-pas-drôles. Et en partant, tu m’as dit « J’aime beaucoup que les éléphants soient gris mais que tout ce qui est gris ne soit pas un éléphant" et tu es parti sur « à vendredi » poli.
Tu es là, L., moineau posé sur ma main, prêt à l’envol si je fais un geste trop brusque.
Je te promets que je ne le ferai pas."